La maison d'Amable à Palaiseau - par Marie Daffini -
La maison de Mme Tastu à Palaiseau, 248 rue de Paris
Musée d'Art et d'Histoire de Palaiseau
Après une série de longs voyages puis quelques années à Paris, Amable, âgée et malade, s’installe avec son fils Eugène dans la petite ville de Palaiseau, non loin de la capitale.
La jolie maison, située au 248 rue de Paris, n’est pas sans faire penser à « La-Vallée-aux-Loups », demeure de Chateaubriand à Châtenay-Malabry, en moins important. Dans sa demeure, Chateaubriand passera dix années de bonheur tranquille, tout comme Amable vivra à Palaiseau quatorze années dans une retraite paisible, entourée d’une nature verdoyante.
Cette retraite de la mère et du fils, agrémentée parfois par la visite d'amis intimes, était surtout consacrée à des activités intellectuelles : lecture de commentaires à bâton rompu de livres de la bibliothèque de la famille, quinze mille volumes selon Souriau, ou d'ouvrages régulièrement achetés à Paris par Eugène, le tout lu à haute voix par lui ou par quelque ami de passage, conversations sur des sujets quelquefois banals et triviaux mais souvent littéraires.
L’atmosphère de la maison de Palaiseau est décrite par le critique Maurice Souriau qui rapporte sans doute les confidences de Madame Chazal, amie d’Amable.
Ce tableau semble vraisemblable et vivant. En voici quelques fragments :
Même en causant familièrement, Mme Tastu se montre femme supérieure ; elle a des rencontres, des bonheurs d’expression que la Rochefoucauld ne dédaignerait pas.
Quand il s’agit de louanges, disait-elle un jour, la fierté attend, l’orgueil exige, la vanité mendie et l’amour-propre espère.
Ou bien ce sont des portraits d’anciens amis, des souvenirs personnels sur les plus illustres écrivains du siècle. L’atmosphère du salon est restée littéraire : même la chienne choyée dans ce logis porte le nom d’une héroïne de Casimir Delavigne, Nééra. Comme d’autres vieilles dames causent de leurs voisins et voisines, des tenants et aboutissants de chaque famille, ainsi Mme Tastu parle tout naturellement de Lamartine, de Hugo, de Chateaubriand, d’Alfred de Musset, de Vigny, de Guizot, de Rouget de Lisle, etc …
L’instant d'après, comme s’ils étaient de bons propriétaires de Palaiseau, Amable et Eugène s’entretiennent des cultures du pays, fraises et violettes.
Rien qui rappelle le bas-bleu, ni surtout cette chose qui s’appelle un vieux bas-bleu. Aussi simplement qu’elle compose encore des vers pour son cercle intime, Mme Tastu copie, à la demande d’une amie, la recette d’une charlotte à l’anglaise, une trentaine de lignes en tout, et Eugène rédige gaîment la lettre d’envoi :
« Vous avez commandé, vous trouverez ci-contre la preuve que vous êtes obéie … L’autographe d’un poète donnant une recette de cuisine aura son prix pour vos héritiers. Gardez-la : cela représente au moins trois francs dix sols, quand nous serons enterrés, ma mère et moi … »