La place d'Amable dans les cercles littéraires parisiens (1822-1835) par Marie Daffini
Entre 1822 et 1835, de nombreux témoignages nous éclairent sur la place qu’occupait Amable dans les cercles littéraires parisiens. On la voit au « Cénacle » à l’époque où les réunions se tenaient chez Charles Nodier. Elle y rencontre Hugo, Vigny, Deschamps, Boulanger, David d’Angers, Marcelline Desbordes Valmore, Delphine Gay … Elle fréquente de nombreux salons dont celui d’Adélaïde Dufrenoy et de Juliette Récamier.
Elle-même, tous les lundis après-midi, reçoit chez elle ses amis, hommes et femmes de lettres débutants ou à la réputation déjà bien établie.
Elle publie des poèmes dans « Le Globe » et collabore avec Eugène et Victor Hugo à « La Muse française », fondée en 1823 pour défendre les thèses du romantisme naissant, découvre l’œuvre d’André Chénier publiée par Delatouche en 1819 et se passionne pour les écrivains européens, notamment anglais, Thomas Moore, Lord Byron, Miss London et Shakespeare, dont elle imitera parfois les poèmes.
En 1821, accompagnant son père à la Société linéenne de Paris dont il est le trésorier, elle lit deux poèmes de circonstance : Linné (stances) et Iris (idylle). Elle multiplie les publications dans les périodiques. Outre le « Journal de Toulouse » qui publie ses poèmes récompensés par l’Académie des Jeux Floraux , citons les Tablettes romantiques qui deviendront les « Annales romantiques », le « Diable boiteux » …
Divers recueils collectifs et keepsakes (1) reproduisent ses textes poétiques.
Outre ces participations, de nombreuses correspondances permettent de nous faire une idée sur le renom dont jouissait Mme Tastu et la place de premier plan qu’elle occupait dans le monde des lettres. Hortense de Bauharnais, mère de Napoléon III, qui fut reine de Hollande entre 1806 et 1810, puis tint un brillant salon à Paris, lui écrit en 1825 une lettre qui révèle l’estime qu’elle lui porte et la connaissance qu’elle a de son œuvre :
« Je vous remercie, Madame, de vos charmantes poésies que Mme Salvazé ( ?) m’annonce. Je les attends avec impatience, vous savez tout le plaisir qu’elles me font puisque je les mets souvent en musique, même quand ce ne sont pas des romances, mais il se trouve toujours dans vos vers un sentiment qui m’inspire et que j’aime à chanter … »
En 1825, elle est la première femme admise à l’Académie royale de Metz, puis l’année 1826, voit la parution de son premier recueil »Poésies » qui eut un immense succès. En 1829, selon Maurice Souriau (2), Lamartine, se fondant sur l’amitié qui la lie à Népomucène Lemercier (3), familier des Tastu et des Voïart, lui demande un soutien, qu’elle lui accorde, pour son élection à l’Académie française.
Ses consoeurs, surtout, entretiennent avec elle des rapports pleins de cordialité, certaines l’égalent en talent, d’autres sont des débutantes ou des provinciales qu’elle a contribué à faire connaître. Delphine Gay devient bientôt son amie, comme le montre le billet suivant : « Je serai chez moi samedi soir, venez avec Monsieur Tastu, avec Monsieur votre fils, venez ! Je n’accepterai aucune excuse ». Amable parle avec sympathie, écrit le même critique, d’Eugénie du Guérin, Elisa Mercoeur, Pauline Graven…
Dans une lettre du 12 février 1834, Chateaubriand reproduit pour notre poétesse quatre vers d’une longue citation de Carmoëns qu’il fait dans ses Mémoires mais lui envoie, écrit Maurice Souriau, une traduction plus développée que celle qu’il a publiée.
Dans le recueil « Poésies nouvelles » paru en 1835, Amable dédie à son ami le poème « A M. de Chateaubriand , après avoir assisté à la lecture de ses mémoires ». Comme en témoigne leur nombreuse correspondance, ils entretinrent une relation suivie et amicale, empreinte d’admiration et de respect.
(1) Keepsake : Livre-album avec images, vers, prose, musique - Voir texte blog – août 2020 – Le keepsake, une mode venue d’Angleterre
(2) Maurice Souriau - Moraliste et poète – 1856 – 1943 « Grandeur et décadence de Mme Tastu »
(3) Népomucène Lemercier Louis -- Poète et dramaturge (1771-1840